Page 17 - Traité de versification, métrique et prosodie
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3-1-2 : L’hiatus et l’élision
Il n’existe aucun hiatus si le premier des deux mots, dont les voyelles se rencontrent, se termine par la
voyelle « e » non accentuée, par exemple dans « l’automne arrive ». En effet, le « e » muet final est
absorbé dans la voyelle accentuée « a » qui le suit. On appelle cela l’élision.
3-1-3 L’hiatus et le « h » aspiré ou non aspiré
Le « h » aspiré, placé au début du second mot, empêche l’hiatus. Mais le « h » non aspiré lui est
indifférent.
Par exemples, il existe un hiatus dans « j’ai habité » car le « h » de « habité » n’est pas aspiré, mais il
n’existe pas d’hiatus dans « je hais » à cause de la barrière du « h » aspiré du verbe « haïr ».
Par exemple, dans ce quatrain, et malgré la cacophonie créée par les sons qui se choquent, l’auteur n’a
commis aucun hiatus car il a joué de la présence des « h » aspirés :
« J’ai pendu l’hiatus odieux à la hart,
J’en haïssais le heurt, honteux hoquet hagard.
« Que jamais nul répit mon trépas ne t’accorde ! »
Ânonna le honni quand je hissais la corde. »
(Franck Lafossas)
3-1-4 L’hiatus et la conjonction de coordination « et »
Le « t » final de la conjonction de coordination « et » n’empêche pas l’hiatus. Par exemple,
l’expression « et ainsi » contient la faute. L’explication de cette très ancienne règle tient en ce que le « t »
final de cette conjonction ne se prononce jamais et ne sert à aucune liaison.
Mais ce n’est pas le cas du verbe être, notamment dans l’expression « il en est ainsi » car le « t » final
du verbe « est » autorise la liaison.
3-1-5 L’hiatus et le « y »
Certains poètes tolèrent la formule « il y a », au motif que la voyelle « y » ne ressortirait pas à la règle
générale.
Edmond Rostand lui-même l’utilise dans le dernier acte de « Cyrano-de-Bergerac ». Je la déconseille.
Cette licence n’est pas générale, elle n’est pas harmonieuse et son usage peut se révéler dangereux en
cas de participation à un concours, alors qu’il est facile de procéder à son remplacement.
3-1-6 Le choc des sons, les voyelles nasales
Un débat a longuement agité les puristes sur l’hiatus qui résulterait de la rencontre d’une voyelle nasale
finissant un mot avec la voyelle commençant le mot suivant.
Exemple : la nuit est loin encore : la rencontre « oin » - « en » constitue-t-elle un hiatus malgré la
consonne « n » ?
Dans son Discours des voyelles (1694) l’académicien Abbé Dangeau considère que les cinq
terminaisons an, en, in, on, un, sont des sons simples et de véritables voyelles. Il en conclut, repris par
plusieurs grammairiens de son temps, qu’il existe un hiatus prohibé chaque fois qu’une telle voyelle en
rencontre une autre. Mais une telle rigueur dans la prohibition de l’hiatus rendrait quasiment impossible
d’écrire sans commettre de faute. L’abbé Dangeau a d’ailleurs recensé 26 hiatus de ce type dans la pièce
en vers Cinna de Corneille.
En pratique, la définition et la prohibition de l’hiatus n’ont en conséquence jamais englobé les voyelles
nasales. Mais il est recommandé au poète d’en user avec parcimonie, par souci de musicalité.
3-2 Le poids des mots au sein du vers
3-2-1 La poésie, image ou définition ?
Dans son Art poétique (1674) Nicolas Boileau fustige les poètes dont le sens des vers tarde à se faire
entendre. Il leur conseille :
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »