Page 21 - Traité de versification, métrique et prosodie
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                                                       Chapitre 4
                                      Les poèmes en forme fixe


          4-1 La ballade décasyllabique
          En décasyllabes, avec césure en 4/6.
          Composée de 3 strophes de 10 vers chacune en rimes ABABBCCDCD.
          Le dernier vers D de chacune des 3 strophes est le même, répété.
          Après les 3 strophes, vient un envoi en 5 vers CCDCD, terminé par le même vers que les strophes.
          Cette ancienne forme poétique, qu’utilisa Villon (la Ballade des pendus) reste un genre très abouti et plaisant.
          Je vous propose un exemple :
                               Ballade pour une sirène pudique

                           C'était jadis, en des temps fort lointains,     A
                           Qu'une sirène, à l'abord d'une plage,          B
                           Sur son écueil faisait tous les matins         A
                           Une toilette, avec déshabillage...             B
                           J'avais coutume, à l'abri d'un feuillage,      B
                           En l'observant, sans bruit, le coeur si gai,    C
                           De ne surtout pas traverser le gué,            C
                           Ni d’affoler cette nymphe ludique.             D
                           Je n'en aurais jamais épilogué                 C
                           Si la beauté n'était chose pudique.            D1

                           La douce muse en ses rochers fortins           A
                           Séchait au vent sans le moindre voilage,       B
                           Lustrant son corps ; et les vers enfantins     A
                           D'une ballade au divin babillage               B
                           Qu'elle chantait en l'étrange écaillage,       B
                           Etaient charmants. Sûr ! Ils m'avaient ligué   C
                           Au sortilège envoûtant... Intrigué,            C
                           Je n'aurais vu dans ce sort poétique           D
                           Un art majeur ceint d'un charme endigué        C
                           Si la beauté n'était chose pudique.            D1

                           Mais une aurore, où d'infâmes gredins          A
                           Venaient pêcher plus loin que leur village,    B
                           Pour se distraire, en quittant leurs catins,    A
                           L'ondine eut peur : nageant à son sillage,     B
                           Un des garçons voulait faire pillage           B
                           De sa magie, il s'en était targué.             C
                           A son approche, elle avait tout largué.        C
                           Il ne trouva livre de sémantique               D
                           Ou de grimoire...On l'aurait harangué          C
                           Si la beauté n'était chose pudique.            D1

                           Envoi :
                           Toi, l'inconnue, en partant m'as légué,        C
                           Comme apologue, un poème élagué,               C
                           Sa nudité pour gage d'authentique,             D
                           Et son lissage. Aurais-tu donc fugué           C
                           Si la beauté n'était chose pudique ?           D1
                           (Franck Lafossas)
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